Quelle intensité de bonheur éprouve-t-on lorsqu’en ouvrant la fenêtre de notre chambre d’hôtel, nous apercevons un paysage magnifique qui nous met en joie dès les premières heures du matin ? Quel plaisir y a-t-il à partager un moment de complicité avec un habitant du bout du monde qui vous offre un café et un autre regard sur la vie, loin de nos habitudes du quotidien ?Le texte d’aujourd’hui revient sur le bonheur que j’éprouve à chaque voyage, comment ma façon de voyager s’est peu à peu affinée jusqu’à atteindre une certaine forme de lâcher-prise, pas encore totalement maîtrisée mais beaucoup plus affirmée.
S’offrir une parenthèse
Je crois que pour tout être qui évolue dans notre société actuelle, le terme « voyage » est associé à celui de « vacances ». On attend souvent les vacances avec impatience : ce moment où l’on se délie de toutes obligations, à part celle de profiter (et même celle-ci est de trop, en réalité). Cet instant où l’on délaisse le monde du travail et sa productivité pour aller se rappeler comment ça fait déjà les matinées sans réveil, les repas sans régime et la sensation du sel sur la peau ou de la neige sous les semelles. Pour ma part, c’est le moment où je vais essayer d’oublier projets et to-do list, où je vais également tenter de laisser mon téléphone au fond de mon sac pour lui préférer la tonne de livres que j’emmène toujours partout avec moi, dans ma valise ou ma liseuse. C’est pour moi le temps du farniente et du l’agréable retour à l’enfance, cette douce sensation de retrouver l’inertie des 2 mois d’été où l’on ne faisait que s’amuser
[note : ma vie idéale comprendrait le retour de cette pause de 2 mois, sans rien devoir faire d’autre que vivre].
J’ai remarqué que mes voyages ces derniers temps avaient plutôt été rythmés par les obligations ancrées à travers tous les blogs et les magazines en ligne que je peux suivre : choisir une destination et devoir obligatoirement tout voir, tout goûter, tout optimiser, du moindre resto à la moindre expo, pour pouvoir montrer à quel point c’était génial. A chaque week-end ou chaque séjour, je planifiais dans ma tête l’article que j’allais rédiger et ce que je devais absolument faire pour qu’il soit parfait. (En réalité, j’ai rédigé très peu d’articles voyages car ça demande beaucoup de travail. Et le fait est que j’aime paresser : c’est d’ailleurs mon premier ralentisseur de projet.)
Au fur et à mesure, j’ai mis de l’eau dans mon vin en comprenant que :
1/ Bloguer n’est pas mon métier et ne le sera jamais car j’aime écrire sans obligation et profiter des moments de déconnexion sans plus documenter chaque minute de ma vie (même si je suis friande d’observer les autres).
2/ Voyager, ce n’est pas remplir une liste de choses. Ni prendre une photo mythique sous peine de ne pas avoir réussi son voyage. La preuve en est, les séjours d’où on revient plus fatiguée qu’en partant et les fameuses photos « mensonges » de touriste qui donne une ambiance sur papier glacé qui est loin de celle qui a été vécue.
Désormais, mes voyages sont un moyen de m’offrir une parenthèse, une pause nécessaire pour garder un équilibre mentalement sain entre vie active et vie passive.
J’ai adopté un rythme plus lent, le parfait équilibre étant d’un jour sur deux : un jour très actif, le suivant beaucoup moins. Je veux renouer avec les vacances d’antant, laisser place à l’humain, à l’improvisation. Je planifie toujours un peu le programme selon la destination et les choses que j’aimerais voir mais plus rien n’est figé, et, entre nous, passer mes soirs de liberté à m’imposer l’organisation drastique d’un voyage, ça me lasse très vite. J’ai arrêté de vouloir être une globe-trotteuse digne d’un guide touristique, à vouloir régurgiter à tout prix les meilleurs plans.
Mon seul regret c’est d’être encore un peu trop flemmarde pour écrire quelques mots à chaque fin de journée avec les endroits ou expériences qui m’ont marqué. En souvenir, pour pouvoir partager mon ressenti à travers mes expériences de globe-trotteuse.
S’ouvrir aux autres horizons
Pour moi, voyager c’est faire de la place dans son cerveau pour d’autres cultures. Je crois que ce que je préfère le plus, ce sont les rencontres humaines. J’aime croiser les gens, leur sourire, partager quelques minutes de leur intimité pour apprendre, pour comprendre, pour saisir les différences qui nous opposent et voir qu’au fond, on est tous un peu pareil.
Mes plus belles expériences ont été celles partagées dans une rencontre, avec un humain ou avec la nature. Passer des heures à contempler le soleil qui se couche sur un lac, pleurer en voyant les baleines, se pâmer de plaisir en découvrant de nouvelles saveurs, se sentir happée par la profondeur de l’océan, apprendre à fabriquer des offrandes avec la femme de chambre, partager une visite, un repas, une discussion avec cet autre tellement différent, sentir une connexion et à la fois, savoir qu’on ne se reverra certainement plus jamais…
Toutes ces merveilleuses expériences ont contribué à m’enrichir culturellement et humainement. Elles me font revenir les 2 pieds sur terre, loin des tribulations futiles de mon esprit. Elles me font comprendre que je ne suis rien, et qu’en même temps, je suis tout. Que j’ai le droit de renouer avec mes émotions profondes, que tout passe même le mauvais et que je reviendrais différente, plus grande d’une certaine manière (mais toujours mesurant moins d’1m60 ^^). Ces voyages me ramènent aussi à l’histoire, celle passée et celle qui se dessine sur l’avenir, et c’est plus instructif que la théorie des livres d’école ou le fatalisme du journal télévisé.
Détrompez-vous, je suis encore facilement dans le jugement malgré moi mais je crois qu’en ayant vu « l’ailleurs », je réussis à en prendre conscience et à dépasser ces frontières autant que je peux (le plus dur pour moi étant de me confronter à la cruauté et à l’obscurantisme religieux, 2 choses que j’ai beaucoup de mal à appréhender).
Je crois profondément que voyager et aller à la rencontre de ce qui est différemment beau contribuerait à l’extinction des préjugés et des violences qu’on inflige à ceux qui ne nous ressemblent pas.
Passer du temps avec soi-même
J’ai découvert ce fabuleux outil de développement personnel qu’est le voyage quand j’ai été dans « l’obligation » de voyager seule. J’entends par obligation le fait d’être sans conjoint à cet instant de ma vie et de ne pas pouvoir partir avec les copains, soit parce qu’on ne me l’a pas proposé (et là, c’est l’ego qui en prend un coup), soit parce que ça ne collait pas (dates, destinations, budget, parfois mêmes personnalités incompatibles sous peine de ne plus être amis). Plutôt que de me priver de voyages, j’ai décidé de partir seule, malgré les difficultés que ça implique quand on le tente pour la première fois : vais-je m’ennuyer sans personne avec qui partager ces vacances ? Est-ce sans risque pour ma sécurité ? Et si, ça ne me plait pas, est-ce que j’aurais gaspillé mes économies pour rien ?
Ma première expérience seule à l’étranger s’est déroulée en Australie, quand mon ex-copain a décidé de changer de ville et que je me suis retrouvée à vivre ma petite vie en solo à Sydney. Pas vraiment seule grâce à mes colocataires et amis rencontrés sur place mais quelques mois plus tard, c’est comme une grande que j’ai enfilé mon immense sac à dos sur mes épaules et que je suis montée dans le bus de la Greyhound pour un road-trip de plusieurs semaines. J’ai alors découvert un sentiment total de liberté, même si la solitude et moi, nous allions mettre plusieurs années encore avant de nous apprivoiser : je préférais encore la présence de camarades avec qui j’avais peu en commun et je redoutais les longues périodes sans personne à qui parler.
Le vrai séjour qui a marqué mon aptitude à voyager seule, c’est le Canada, 4 ans après. Seule dans la voiture, face à l’immensité des paysages, totalement autonome sur le programme, prête à ne faire aucune concession sur mon petit programme. J’ai parcouru des kilomètres à pied, en ville, dans la forêt, sur le littoral, avec le sentiment d’être connecté à quelque chose de beaucoup plus immense que moi. J’ai vécu ce voyage à travers la présence de ma mère, décédée, à qui je voulais faire voir le monde, ce qui m’a connectée à mes émotions. Je n’avais alors plus vraiment besoin d’une autre présence, au contraire, même si l’accueil montréalais de Lane et Camille fut au-delà de mes espérances. Je m’étais juste persuadée que j’allais rencontrer l’amour dans ce beau pays du sirop d’érable (Spoiler : ça n’est pas arrivé mais j’ai rencontré tout un tas de gens admirables qui n’ont fait que rendre le séjour encore plus merveilleux).
Voyager seule, c’est passer du temps avec soi-même, regarder ses démons en face, réfléchir à la meilleure façon de se connecter entre ce qu’on voit et ce qu’on ressent. C’est partir loin de la vaisselle pas faite et du garage à ranger pour se trouver une autre utilité, parfois s’offrir le luxe qu’on mérite, au travers d’un repas gargantuesque, d’une après-midi sans rien faire ou d’un divin massage de tout le corps. C’est reconnecter toutes les particules qui nous composent pour en faire autre chose que le mécanisme de la routine quotidienne.
Vous l’aurez compris, voyager fait partie intrinsèque de ma personnalité, même si j’aime de plus en plus être casanière (la vieillesse sans doute ^^). C’est un bol d’air nécessaire à ma survie. C’est pour moi se donner la possibilité d’entrevoir d’autres chemins, d’autres vies et d’autres destinées. C’est changer de lunettes pour voir autrement.
Ce texte a été écrit en guide d’introduction à de futurs articles sur les destinations qui m’ont le plus plu. Avant de vous parler de Cuba ou de Berlin, j’avais à cœur de partager pourquoi les voyages ont une incidence sur le bonheur. J’espère avoir apporté des éléments de réponse. Et vous avoir donné envie d’essayer.
Racontez-moi ce que vous avez ressenti pendant les voyages qui vous ont marqués. Et si vous voyager peu/pas, quelle(s) destination(s) vous aimeriez découvrir ?
Crédit photo :
Photos personnelles : Bali (1ère photo), Saint-Barthélemy (2nde photo), Berlin (3ème photo)
Michael Heuser on Unsplash
4 Commentaires
Très bel article ! Je vais peut-être être un peu excessive mais voyager pour moi c’est “vital” ! Très jeune j’ai développé cette envie de découvrir le monde. Ce que je ressens dans les voyages, au delà du fait d’adorer découvrir de nouvelles cultures, c’est cette capacité à réussir à vivre l’instant présent. C’est cette sensation que j’adore retrouver à chaque fois que je voyage. Et c’est quelque chose que j’ai vécu de façon très intense pendant mon Erasmus et j’ai eu particulièrement de mal à reprendre la vie normale et ses “échéances” en revenant. En revanche je n’ai encore jamais fait de vrai voyage seule plusieurs jours.
Je me questionne beaucoup sur cette différence justement, que je ne comprends pas. Quand je vivais en Australie, j’accueillais la vie au jour le jour. En France, j’ai besoin de planifier sinon j’angoisse et en même temps, je trouve ça ennuyeux au possible… J’aimerais arriver à appliquer les préceptes de la vie de voyage à la vie quotidienne. Je crois que ça va venir du lâche-prise (toujours lui).
Je t’admire ! Je te suis depuis l’époque de “la vie d’une fée” et ton évolution est fantastique ! Merci de me montrer que tout est possible ! L’Australie et le Canada ! Ce devait être une sacrée expérience ! De mon côté, mon meilleur souvenir est Vérone en Italie ! Pour le coup, j’ai très envie de découvrir ce pays et notamment la Toscane !
Bel été à toi !
Clairebelgato
Hooo comme ce commentaire me fait chaud au cœur, j’aime savoir que j’ai des lectrices depuis le temps très lointain de mon premier blog. Effectivement, j’ai énormément changé et évolué, parfois je ne me reconnais presque plus quand je jette un œil sur ma vie passée. Comme quoi, tout est possible. Je te souhaite le meilleure et la Toscane. 😉 (je rêve d’Italie mais en temps que végétarienne sans gluten, j’ai peur d’être super frustrée gustativement parlant).